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Les financements de la recherche en droit et en criminologie
Le financement d’une recherche doctorale peut être compliqué en fonction de l’étape dans laquelle le·a chercheur·euse se trouve. Il existe pourtant des possibilités, parfois méconnues, qu’elles se situent au niveau institutionnel ou en dehors. Mathilde du Jardin (Centre de recherches Pénalité, sécurité, déviances) et Mona Aviat (Centre de droit international) nous partagent leur expérience, y compris au moment de visibiliser les recherches lorsqu’on est en fin de thèse.
Mathilde, Mona, pourriez-vous nous parler de vos recherches doctorales respectives ?
Mona : je travaille sur les frontières extérieures de l’Union européenne et l’usage de technologies aux frontières et de l’impact que cet usage a sur la responsabilité des acteurs de contrôle des frontières extérieures, avec une attention particulière à Frontex et plus récemment, en essayant d’y intégrer une perspective décoloniale.
Mathilde : je travaille sur la criminalisation de l’immigration et des règles en matière de facilitation des migrations dites irrégulières. Plus particulièrement en partant de l’expression du délit de solidarité, j’interroge les limites de l’aide humanitaire au regard de l’illégalisation du passage de la frontière Belgique, France, Royaume-Uni. J’utilise des méthodes de recherche qualitatives et j’ai mené une enquête de terrain à la fois auprès des acteurs dits humanitaires et des acteurs du contrôle de la migration.
Comment financez-vous vos recherches ?
Mona : je suis assistante temps plein, c’est donc l’ULB qui me finance pour faire de la recherche à mi-temps et donner des cours à mi-temps également (CDD de 2 ans renouvelable 3 fois).
Mathilde : j’ai obtenu la bourse Mini-Arc de l’ULB et je suis donc chercheuse doctorale à temps plein.
Depuis quand travaillez-vous ensemble et quel a été le moteur de cette collaboration ?
Le moteur de la collaboration, c’est simplement l’amitié et les valeurs communes. On s’est rencontrées à un colloque sur les migrations en 2022 et nos positionnements similaires nous ont poussé à collaborer dans nos recherches mais aussi dans nos activités engagées à l’extérieur de l’université. Notre collaboration nous a mené notamment à écrire un chapitre ensemble pour un ouvrage collectif ( « Mieux vaut prédire que guérir »: le projet ITFlows comme (nouvelle) technologie de gestion des migrations à l’épreuve du discours humanitaire dans L'intelligence artificielle face à l'état de droit, dirigé par C. Derave, N. Genicot, B. Frydman) et à nous investir dans un groupe commun qui s’appelle « Droit, migration et épistémologie » (initié par l’école de droit de sciences Po Paris) dans lequel on partage nos recherches avec d’autres jeunes chercheurs et chercheuses qui travaillent sur des sujets proches des nôtres mais avec différentes perspectives.
Quelle(s) complémentarité(s) avez-vous trouvé entre vos recherches (en droit et en criminologie) ?
La migration est un sujet vaste et qui requiert une perspective multidisciplinaire. C’est donc tout naturellement que nos approches disciplinaires distinctes se nourrissent l’une l’autre. Mathilde permet à Mona de considérer plus en avant les acteurs comme inscrits dans un rapport de force et de considérer le terrain, et Mona permet à Mathilde de prendre du recul et d’avoir une vision plus globale sur le régime européen des frontières. A priori, le droit international et la criminologie sont des disciplines assez éloignées, mais la complexité du sujet de la migration permet qu’un dialogue se crée et met en avant la nécessité de regards disciplinaires croisés. Nous avons la sensation que leur rapprochement est représentatif d’une évolution disciplinaire que nous trouvons positive, qui poussent les chercheurs et les chercheuses en droit au sens large à s’ouvrir à des méthodes et des pratiques de recherche plus ancrées sur le terrain.
Vous avez récemment participé à des rencontres en Amérique du Nord. Pourriez-vous nous présenter brièvement ces activités scientifiques et vos différentes interventions ?
Nous avons d’abord participé au congrès annuel de la Law and Society association à Chicago qui est un congrès qui se déroule sur 4 jours et qui réunit plus de 2000 chercheuses et chercheurs du monde entier au croisement du droit et de la sociologie. Les sujets étaient très variés, allant des conditions de détention à la question des traitements des personnes transgenres par l’administration Trump en passant évidemment par les politiques de contrôle de la migration et des frontières. Il y a plus de 50 panels qui se déroulent simultanément et la possibilité est laissée aux participants de choisir parmi toutes les thématiques.
Notre participation au groupe de recherches "Droit, Migration et épistémologie" nous a donné envie de participer en tant que groupe à ce grand congrès, et ce sous la forme d'une table ronde, ce qui nous a permis d'interagir avec d'autres chercheuses sur la question de la pluridisciplinarité dans les recherches en migration, ainsi que de la place du droit dans celles-ci. Mathilde y a aussi présenté de manière individuelle certains résultats de sa recherche doctorale.
Ensuite, nous nous sommes rendues à Sherbrooke pour un colloque de deux jours organisés par le laboratoire de recherches critiques en droit de l'Université de Sherbrooke et en particulier par Noémie Boivin, post doctorante à l’université de Sherbrooke. Ce colloque s’intitule « Droit et désordres migratoires : perspectives critiques ». Comme le nom l’indique, il s’agit d’un colloque vraiment axé sur nos sujets de recherches, et qui réunit des chercheurs et chercheuses internationaux sur les migrations. Dans ce cadre, nous présentons chacune de manière individuelle nos recherches. C’était l’occasion pour Mathilde de présenter devant une audience internationale les résultats de sa thèse de doctorat et d’en tester les arguments principaux. Mona a pu élaborer sur l’aspect décolonial de son approche méthodologique.
Quels sont les principaux résultats de ces rencontres ?
Ce sont des événements très riches de rencontres et de partages scientifiques qui jettent les bases de possibles collaborations internationales futures. Ils nous ont permis de rencontrer des chercheurs et chercheuses qui travaillent sur des sujets similaires ou connexes et dans des pays et contextes nationaux différents. Cela nous a permis de décentrer notre regard sur nos objets de recherches, en découvrant des problématiques distinctes et aussi similaires en dehors de la Belgique et de l'Union européenne.
Au-delà des rencontres scientifiques, ça nous a aussi permis de visiter et d’expérimenter la démesure de Chicago, berceau des grattes ciels états-uniens et des approches critiques en sociologie de la déviance- et par conséquent en criminologie. C’était aussi un événement important pour notre groupe de recherche, car il nous a réunis tous sur le même continent pour la première fois depuis trois ans, et nous avons pu y affiner notre approche commune et renforcer nos liens au-delà du professionnel.
Comment avez-vous financé votre séjour ?
On a eu accès à différents financements du fait de nos statuts institutionnels eux aussi différents, mais aussi à des financements communs.
S’agissant des financements communs, nous avons eu le plaisir de recevoir une bourse de Wallonie – Bruxelles International qui est une « aide aux représentants de la Fédération Wallonie-Bruxelles et Région wallonne » (cf. https://www.wbi.be/fr).
Nous avons aussi reçu un subside de la FWB "Financement pour une participation active à une réunion scientifique" (cf. https://infofin.ulb.ac.be/projects/4398) dont la gestion est faite par le service des relations internationales de l’ULB, qui a su nous aiguiller avec beaucoup de gentillesse et d'efficacité.
Nous avons aussi utilisé nos frais de fonctionnement - distincts selon si l’on est assistant ou boursier. Mona a pu bénéficier de l’aide à la mobilité de la faculté de droit qui encourage la mobilité des assistant·es.
Petites astuces : ne pas hésiter à demander aux financeurs s'ils ont des fonds disponibles même si vous ne rentrez pas tout à fait dans les critères d’élection. Parfois, c’est possible!
Ensuite, il faut bien regarder quels sont les frais couverts par les différentes institutions de financement : logement, transport, inscription aux conférences (souvent payantes)… Il y a des conditions et règles à respecter, des dossiers à remplir... Mais ça en vaut la peine!
Avez-vous des suggestions pour les chercheur.euse.s qui comme vous sont en fin de thèse et souhaitent visibiliser leurs recherches ?
Même si la fin de thèse est un moment stressant, présenter des résultats et les confronter à une audience « extérieure », dans ce cas-ci internationale, a été pour moi (Mathilde) un vrai challenge qui m’a permis de prendre confiance en moi. Il s’agit d’un bon exercice pour pouvoir résumer et synthétiser des années de recherche. Même si on n’a pas l’impression d’avancer sur l’écriture en tant que tel, ça permet clairement d’avancer sur la structure, la synthèse, la confiance en soi, et dans un sens ça permet d’y voir plus clair. Je n’ai qu’un conseil: n’hésitez pas!
Quelques informations complémentaires
Mis à jour le 30 mai 2025