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Mona Giacometti - Quand la recherche en droit permet d’œuvrer à un monde virtuel plus sûr et plus juste
Le croisement des disciplines est souvent mis en évidence dans la recherche scientifique, y compris en sciences juridiques. Certain·e·s proposent des idées innovantes et empreintes d’originalité. C’est le cas de Mona Giacometti, professeure en droit et avocate, qui vient d’être nommée parmi les finalistes du prix récompensant le "Belgian Cyber Security Researcher of the Year 2025".
Pourrais-tu nous parler de ton parcours professionnel ?
J’ai rejoint l’ULB en 2023 en qualité de professeure, titulaire de la mini-chaire en droit pénal. Je suis par ailleurs la directrice du Centre de recherches en droit pénal depuis juin 2024. J’ai défendu ma thèse de doctorat en 2020 sur le thème de la récolte de preuves électroniques dans le contexte européen. A coté de mes activités universitaires, je suis avocate auprès du Barreau de Bruxelles depuis 2011.
J’ai toujours aimé nourrir la pratique par la théorie, la théorie par la pratique et créer des ponts entre mes deux métiers. J’ai la chance de disposer d’un mandat qui permet de faire de la recherche à côté de l’enseignement, ce qui m’a d’ailleurs permis d’être nommée parmi les finalistes du prix récompensant le Belgian Cyber Security Researcher of the Year 2025. J’ai également rejoint les comités de rédaction du Journal des Tribunaux, de la Revue de droit pénal et de criminologie ainsi que l’Editorial Board de l’International Encylopaedia of Laws, chargé d’éditer des ouvrages portant sur le droit pénal de divers pays à des fins comparatives. Je suis par ailleurs membre du Comité d’administration de l’Institut fédéral pour la protection des droits humains.
Comment es-tu arrivée au thème de la cybersécurité ?
Ce sont mes travaux portant sur la récolte transfrontière de preuves électroniques qui ont particulièrement retenu l’attention dans le cadre de ma nomination pour participer aux Belgium’s Cyber Security Awards. J’ai souhaité proposer la construction d’un modèle de récolte de preuves électroniques qui rencontre tant l’objectif d’assurer l’efficacité des enquêtes pénales, en permettant aux autorités d’obtenir les données qu’elles convoitent, que celui d’assurer le respect de la souveraineté des Etats tiers, dès lors que c’est sur leur territoire que les données sont stockées, que le fournisseur de services de communications susceptible de les divulguer est établi, ou encore que l’utilisateur à qui ces données appartiennent se trouve. J’ai ensuite complété mes recherches en explorant les cyberviolences, notamment dans le cadre d’un postdoctorat mené pendant deux ans auprès de l’Université d’Anvers.
A l’issue de ce projet, nous avons proposé, avec une équipe multidisciplinaire de chercheurs, un antidote destiné à mieux lutter contre ces cyberviolences, dont particulièrement les discours de haine en ligne et la diffusion non consentie de contenus à caractère sexuel. Nous avons, dans ce cadre, mené une enquête auprès des digital natives afin d’apprécier l’ampleur de ces nouveaux phénomènes, étudié de nombreux dossiers judiciaires et analysé les conditions générales d’utilisation des plateformes par l’intermédiaire desquelles ces contenus sont diffusés. J’ai par ailleurs également traité la thématique des deepnudes, du cyberflashing, de la possession non consentie d’images à caractère sexuel, ainsi que de la violence numérique entre partenaires. Je poursuis actuellement mes réflexions autour des nouvelles technologies et du droit pénal, qu’il s’agisse des méthodes d’enquête mises en œuvre dans l’environnement digital ou des nouveaux phénomènes criminels qui s’y déploient. La même motivation m’anime lorsqu’il s’agit de mener ces recherches : œuvrer à un monde virtuel plus sûr, plus juste, et plus respectueux de chacun·e d’entre nous.
Tu fais partie des cinq finalistes du prestigieux Award « Cyber Security Researcher of the Year ». Pourrais-tu nous parler de ce prix ?
Le prix vise à récompenser les travaux d’un·e chercheur·e dans le domaine de la cybersécurité, dont particulièrement la vision stratégique qu’il/elle a développée quant à la manière d'améliorer l'état de l'art grâce à des activités de valorisation scientifique. Il s’agit également de prendre en considération son implication dans l’éducation de la future génération composée des prochains « cyber security leaders ». Le prix est proposé par la Belgium Cyber Security Coalition, dont la mission vise à renforcer la résilience de la Belgique en matière de cybersécurité en mettant en place un écosystème solide sur le plan national. La coalition regroupe à cette fin les compétences et l’expertise de nombreux membres issus du monde universitaire, du secteur privé et des autorités publiques. Elle développe des initiatives allant du partage d’informations à des actions conjointes.
Comment as-tu appris ta nomination ?
C’était une surprise ! J’ai reçu un email de la coalition m’informant que j’avais été nominée par pour participer au prix du Cyber Security Researcher of the Year. J’ai été invitée à donner davantage d’informations sur mon parcours, mes activités, mes réalisations et la façon dont les résultats de mes recherches sont ou ont été diffusés. J’ai ensuite appris que je faisais partie de la shortlist de cinq candidat.es sélectionné.es par le jury et donc susceptibles d’obtenir l’Award convoité. J’ai alors eu la possibilité de proposer une vidéo de présentation en vue d’expliquer en quoi ma candidature se démarquait de celle des autres finalistes. Je sais que le jury s’est réuni et que, dès lors, le nom du Cyber Security Researcher de l’année 2025 est connu. Il n’a toutefois pas encore été diffusé : le prix sera remis lors d’un Gala qui aura lieu le 1er décembre 2025. Toutefois, même si je n’obtiens pas le prix, la participation à cet Award est, déjà à ce stade, une expérience enrichissante qui promet une belle visibilité lors de la cérémonie à l’occasion de laquelle chaque finaliste sera interviewé·e sur scène en présence de l’ensemble des membres de la coalition et d’autres invité·e·s actif·ve·s dans le domaine de la cybersécurité.
Selon ton expérience, quels sont les trois principaux défis rencontrés quant à la recherche liée à la cybersécurité ?
Le premier défi est de démontrer que le droit est une discipline qui est pertinente lorsqu’il s’agit d’évoquer le thème de la cybersécurité. Cela ne va pas forcément de soi et je pense d’ailleurs avoir un profil assez atypique parmi les autres finalistes qui proviennent davantage du secteur IT. Il y a bien sûr une base technique en matière informatique à maitriser mais une fois cela fait, la discipline juridique a tout autant sa place parmi les recherches menées dans ce domaine. Le second défi tient aux évolutions rapides qui caractérisent le domaine de la cybersécurité, lesquelles obligent de se remettre sans cesse en question afin, par exemple, de confirmer l’adéquation des résultats des recherches à ces évolutions. C’est challengeant, mais la cybersécurité est aussi, grâce à cela, une mine inépuisable de sujets de recherches qui laissent une place importante à la créativité et qui permettent un travail d’équipes issues de différentes disciplines. Le troisième défi n’est pas lié spécifiquement à la recherche sur la cybersécurité : il tient à la valorisation des résultats de nos recherches, qui passe également par la vulgarisation scientifique. Il s’agit d’un pan de mes activités auquel je réserve une place importante en répondant positivement aux invitations à des séminaires et des colloques, en Belgique mais également à l’étranger, ainsi qu’aux sollicitations médiatiques afin de permettre à ce que les thématiques liées à la cybersécurité disposent de la place qu’elles méritent parmi les sujets qui retiennent l’attention du public.
Pourrais-tu partager des liens vers quelques publications qui parlent de ce thème ?
Voici quelques publications, pour en savoir plus :
- Les deepnudes parmi les jeunes belges : les chiffres, le marché, l'impact, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2024.
- La violence numérique entre partenaires en Belgique. Étude sur les types, l'impact et les stratégies d'adaptation, 2025, à paraitre sur le site de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes ;
- L’avis des jeunes sur le cyberflashing et la possession d'images dénudées sans consentement, 2024.
- @ntidote, projet de recherches sur : “Cyberviolence: defining borders on permissibility and accountability” founded by the Belgian Science Policy Office (BELSPO), 2021-2023.
- La récolte transfrontière de preuves électroniques dans le contexte européen, Bruxelles, Larcier, 2023.
Mis à jour le 27 novembre 2025